Mercredi 10 avril, le ministre de l'écologie Christophe Béchu a présenté sa liste de projets "d’intérêt national ou européen", qui bénéficieraient d'un "droit à artificialiser" spécial et national.Cette liste de projets d'envergure totalise 424 projets. Elle est décomposée en deux sous-listes : une première sous-liste totalise 167 projets couvrant une surface de 11 900 ha; ce montant est très proche du forfait total de 12 500 ha autorisé par la loi n° 2023-630 du 20 juillet 2023. La deuxième sous-liste comptabilise 257 projets supplémentaires dont les surfaces ne sont pas spécifiées. En clair, une nouvelle loi viendra actualiser les surfaces vouées à la bétonisation pour autoriser la mise en oeuvre des 257 autres projets décidés de longue date et C. Béchu ne s'en cache pas : « Je l'ai toujours dit, le forfait de 12.500 hectares pourra être dépassé. Il est évolutif, et sera remis à jour chaque année pour intégrer les nouveaux projets. Je partage la vision de Bruno Le Maire sur la réindustrialisation de la France, qui est bonne pour l'économie mais aussi pour l'écologie : elle évite de délocaliser des émissions de gaz à effet de serre et crée la richesse qui permettra de financer la transition écologique. »(Les Echos, 10 avril 2024).
Crédit photo : La Voie est Libre (A69)
Au nom de l'envergure nationale et européenne, les terres des projets industriels sortent du décompte de l'artificialisation du sol au niveau régional ou local pour être comptabilisées au niveau national dans le cadre d’un forfait déterminé à cet effet.
La loi "Climat et résilience » ( loi n° 2021-1104 du 22 août 2021) est vidée de son sens. L’objectif de « zéro artificialisation nette des sols » (ZAN) en 2050, avec un objectif intermédiaire de réduction de moitié de la consommation d’espaces naturels, agricoles et forestiers sur la période 2021-2031 par rapport à la décennie précédente, est uniquement retenue dans les principes généraux. En pratique, ce qui prime c'est de construire, de croître pour détruire et reconstruire à nouveau : le cercle vertueux de la croissance-destructrice est consacré par nos gouvernants. Malgré la loi climat, malgré les rapports des scientifiques, malgré l'évidence des ruptures écologiques en cours, nous continuons à répéter le vieux modèle de croissance-destruction des années 1960.
Nos collectifs dénoncent un choix politique irresponsable qui démontre à nouveau la priorité du gouvernement : donner aux intérêts privés un droit à polluer toujours plus important, au détriment des terres naturelles, agricoles ou forestières et des populations concernées - qui rejettent localement et massivement ces projets.
Car quand on étudie cette liste, le constat est sans appel : le gouvernement privilégie avant tout la délocalisation et le transport de marchandises toujours plus loin, au détriment de l'écologie, de la santé, de l'éducation et de la relocalisation des activités. Aucun bâtiment de service public, hôpital, université ne figure dans cette liste d'envergure. Ils seront eux dans les comptes de la ZAN et entreront en concurrence avec les logements et le privé qui vont pousser.
Les domaines prioritaires sont d'abord les infrastructures (52%), puis l'industrie dont le nucléaire (30%), les aménagements d'Opérations d'Intérêt National (12%) et la défense nationale dont le pénitentiaire (6%). Tous les projets sont portés par les grands consortium privé-public et visent l'industrialisation et la croissance rapide. Aucun choix d'investissement national ne porte sur les alternatives de transition écologique.
Les aménagements d'infrastructure sont destinés à accroître la vitesse de déplacement et à déployer les activités industrielles et les zones d’entrepôts logistiques : axes ferroviaire à grande vitesse de Bordeaux-Toulouse et de Lyon-Turin, Canal Seine Nord Europe, extension de l'aéroport de Nantes-Atlantique, réseau de transport public du Grand Paris ou encore aménagements des grands ports de Dunkerque, HAROPA ou Marseille en témoignent.
Les projets routiers figurant dans la liste 1 des projets d'envergure nationale consomment à eux seuls 3 220 ha de terres selon les chiffres du ministère et ils visent à aller plus vite, plus loin :
Les trois premiers du palmarès des surfaces consommées à venir sont :
l'A154-A120 raliant Rouen à Orléans via Dreux, Chartres avec 576 ha,
le contournement de Rouen, avec 470 ha,
l'A69 avec 353 ha.
Viennent ensuite les contournements et les doublements de voies :
Les séries de contournements métropolitains nécessaire pour inter-connecter les réseaux de flux de marchandises : LEO à Avignon, le COM à Montpellier, les contournements de Rouen, Nîmes ou de Martigues.
Les doublements de voies nationales (RN88, RN177, RN 12 etc). Pour la région Centre Val de Loire, 7 projets dont les 3/4 rien que pour l'A154..
Là aussi ces projet accroissent les distances à parcourir !
Nos collectifs unis dans la Déroute des Routes dénoncent ces procédés de classification qui nuisent à la compréhension des enjeux. Ils constatent que les surfaces annoncées sous-estiment l'emprise des projets : des écarts allant du simple au double existent entre les chiffres du ministère et ceux des études d'impact. La sous-estimation systématique est une pratique courante que ce soit pour les émissions carbone, le trafic induit ou l'artificialisation des sols, et nous la dénonçons.
Qualifier ces projets d'envergure c'est omettre l'évaluation de leurs impacts écologiques négatifs. Les routes accélèrent les flux de marchandises et de camions sur les grands axes internationaux et elles intensifient le développement rapide des zones d'entrepôts logistiques. Le stock de routes ne cesse de grandir et nos ressources naturelles s'épuisent.
Les projets routiers ne sont pas d'intérêt public majeur.
Nous appelons collectivement à un moratoire sur les nouveaux projets routiers et ce au nom de la défense des générations futures et des biens communs.
Une procédure de consultation publique sur la liste des projets d'envergure nationale et européenne est ouverte par le gouvernement jusqu'au 2 mai prochain par le Ministère de la Transition Ecologique.
N'hésitez pas y contribuer et à nous signaler les écarts entre les paroles et les gestes que vous constaterez !
A suivre !
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